BANGUI, 10 mai 2003 (AFP) - 9h51 - A Idongo, au nord-est de la Centrafrique dévastée par des années de conflits et d'impérities politiques, les villageois font des projets, les financent et disposent même des moyens de verser une petite pension aux anciens, grâce à un programme unique de protection de la faune.
Petit miracle dans un pays où plus des deux tiers des 3,8 millions de Centrafricains vivent en dessous du seuil de pauvreté, à Idongo, pourtant éloigné de tout, la population s'en sort depuis quelques années mieux que jamais: elle s'est offerte sa première école.
Idongo, 500 habitants, est l'un des villages des neuf zones cynégétiques villageoises (ZCV) de Centrafrique, situées en périphérie des aires protégées (parcs naturels ou réserves) de cette région de savanes, frontalière du Tchad. Sa richesse? Une faune unique qui attire les amateurs fortunés de grande chasse du monde entier.
"A l'origine, les guides aménageaient eux-mêmes leurs zones de chasse pour lesquelles ils versaient des redevances à l'Etat. Mais en quelques décennies, la faune a sérieusement diminué, essentiellement en raison d'un braconnage intensif organisé par des Tchadiens et des Soudanais", explique Raymond Mbitikon, responsable en Centrafrique des projets Ecofac (Ecosystème des forêts d'Afrique centrale), un programme régional de l'Union européenne.
Face à ce constat, l'idée a germé, il y a une dizaine d'années, d'associer la population de la région à la préservation de la faune et de lui faire prendre conscience que celle-ci constitue une véritable richesse.
"Les habitants ont été incités à ouvrir des pistes, construire des campements. Ils ont été sensibilisés à la lutte anti-braconnage. De premiers contrats ont été signés avec des guides de chasse qui, en échange de l'aménagement des zones, reversent à la collectivité une partie importante des redevances et de la taxe d'abattage", poursuit M. Mbitikon.
Depuis, les sociétés de chasse ont constaté que les secteurs sous contrôle des communautés villageoises sont devenus plus giboyeux que les autres. Les communautés y trouvent largement leur compte, face à un Etat sans moyens dont elles savent ne rien pouvoir attendre.
Il existe une quarantaine de comités villageois pour un total de plus de 10.000 habitants. "Chaque comité a son compte en banque. Chaque fin de saison, les comptes sont faits. Les populations tiennent une assemblée générale pour choisir ce qu'elles veulent. Nous leur donnons ensuite des conseils techniques pour les aider à les réaliser" avec, en ligne de mire, l'objectif de pérenniser ce programme, souligne le responsable d'Ecofac.
A Idongo, "il n'y avait jamais eu d'école. Avec des revenus de 20 à 30 millions de FCFA par an (30.000 à 45.000 EUR), non seulement ils ont construit l'école mais ils payent l'instituteur. Ils viennent d'avoir leur tout premier bachelier".
"Au plan sanitaire, ils ont un infirmier qu'ils paient eux-mêmes. Ils financent aussi des évacuations sanitaires sur Bangui, à plus de 600 km. Ils ont ouvert une pharmacie villageoise et une +cantine+ (épicerie). Les funérailles sont prises en charge de la même manière et les personnes âgées perçoivent une petite pension. La communauté achète aussi des semences et des couples d'animaux. Ca a beaucoup changé leur vie", résume M. Mbitikon.
"Il faut faire comprendre plus largement, plaide-t-il, que si les ressources naturelles sont bien gérées, elles peuvent aider beaucoup à la lutte contre la pauvreté".
Les habitants des ZCV l'ont bien compris: ils ont créé des groupes d'auto-défense pour protéger la faune des deux grands parcs du nord du pays contre les braconniers dont ils ne s'étaient jusqu'alors jamais vraiment préoccupés.